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Carnet d'un Facteur Cheval de la philosophie et révolutionnaire devant l'Eternel.
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9 juin 2015

Le progrès

J'ai dit plus haut que la civilisation n'a connu, jusque-là, aucun recul du territoire du mal en son sein, mais plutôt sa conquête. Cette affirmation, hautement subversive, mérite explications. C'est le moment de livrer une définition du bien et du mal. J'aborderai par la suite le sujet plus spécifique du sacré.

Le mal, c'est la souffrance, c'est à dire l'ensemble des phénomènes individuels et collectifs qui contribuent à la putréfaction de l'esprit, tout ce qui vient empêcher, paralyser l'épanouissement de la dignité. La dignité, c'est l'ensemble des phénomènes noologiques auxquels correspond le génie humain dans le cadre de son expression conforme aux impératifs éthiques, sa créativité, son intelligence propre à cultiver ce qui est juste. Ce qui est juste, c'est ce qui, dans son expression primaire, répond au besoin vital de l'être humain, et par extension, enrichit l'esprit et/ou divertit sans nuir à quiconque. Le besoin vital est biologique est noologique. Dans les deux cas, il correspond au seuil d'inconfort au delà duquel s'installe la souffrance. Enrichit l'esprit toute compétence et toute connaissance. Or la condition principale à remplir pour l'émergence de la dignité, c'est la jouissance, collective et individuelle, d'un sens, le sens de son rôle au sein du monde. La dignité, c'est jouir du sens de la vie, et de la faculté de le cultiver. Or, ce sens ne peut, pour avoir du sens, que s'inscrire à l'intérieur du cadre éthique qui offre, justement, à la société, l'épanouissement du sens. L'éthique, c'est ce qui sert à donner du sens, le sens du juste, de l'injuste, du vrai et du faux. Or, pour prétendre disposer de réponses fiables en la matière, quelles qu'en soit la provenance, il faut justifier du combat contre l'illusion dont elles ressortent, il faut, quoi qu'il en soit, cultiver la plus grande humilité. L'humilité constitue la principale jauge de la dignité. L'humilité n'est pas la modestie, elle n'exclue aucune forme d'audace. Elle n'exclue que l'illusion. 

Le bien, c'est tout ce qui combat le mal, ou ne combat rien du tout, mais n'engendre rien de mal. Le bien, pour une société, c'est les écoles, des écoles qui disposent des moyens de dispenser l'enseignement, d'offrir la connaissance, la compétence, matière première de la dignité. L'enseignement est à la dignité ce que l'agriculture, l'industrie agroalimentaire est au métabolisme. Le bien, c'est quand l'ensemble des conditions sociales requises dans un milieu donné pour que l'école serve à quelque chose, sont remplies. Le bien, c'est quand la civilisation, les sociétés qui la forment, ne sont pas basées sur l'exclusion et l'exploitation, mais sur la collaboration, où chacun subvient à ses besoins vitaux, et offre à la société ce qui est en sa faculté de développer de juste, ce que son éducation et/ou son talent pur lui a offert comme chance. Bref, le bien, pour une société, est une utopie. Le XXe siècle a interdit de nourrir l'utopie, en raison des effets dévastateurs que ces utopies ont eu. Le XXIe siècle verra la renaissance de l'utopie. Cette fois, l'utopie sera un projet. La différence entre l'utopie et le projet? L'illusion! 

Le mal, ai-je dit, c'est la souffrance. Mais nul combat contre le mal ne se mène sans douleur. La douleur, c'est l'effort, l'effort indispensable à l'apprentissage, quel qu'en soit la nature. C'est aussi le prix que l'on paie pour se libérer de l'illusion. Il n'y a pas d'illusion perdue sans douleur, or toute illusion perdue, fût-elle douce ou amère, est une victoire sur le mal. La douleur ne fait pas qu'accompagner la naissance, elle ensemence la connaissance. A condition de ne pas se transformer en souffrance, ce qui se produit au contact de l'illusion, et entraîne la prolifération de la haine, de l'amertume, de la frustration. Ce qui rend le mal possible, son épanouissement et sa pérennité, c'est l'illusion. L'illusion est mère de tous les vices, elle est l'ennemie numéro un de l'humanité.  

La souffrance est une douleur qui a mal tourné, et se signale éventuellement dans un vacarme fanatique, mais c'est aussi le silence. Le silence de ceux qui ploient sous le poids du monde, sans aucun espoir ni pour eux-mêmes, ni pour leurs enfants. Ceux qui se cassent les reins pour un bol de riz, ou qui errent dans la misère et ne se nourrissent que de poussière. La souffrance, alors, cohabite, dans le même corps, avec la plus pure dignité, la plus nue, celle qui réside dans l'unique humilité.  

La civilisation n'a connu aucun recul du mal depuis son avènement, mais plutôt sa conquête, pour deux raisons. La première raison, c'est que la misère tend à proliférer, la seconde, que le sens tend à se désagréger, et ce dans le même mouvement, principalement impulsé par le règne de l'argent en expansion constante, au paroxysme de son expression en ce début de XXIe siècle. Dieu Régisseur est surtout fait d'or. La mort de Dieu a laissé plus de place au libre arbitre, mais elle a aussi laissé libre cours à une extraordinaire manne d'or, dont l'abondance est proportionnelle à la misère qu'elle entraîne. Aussi, nous assistons au spectacle paradoxal de la plus grande fortune jamais amassée par les êtres humains depuis qu'ils se sont organisés en civilisations(s), la civilisation en question ayant pour objet principal de générer de l'or, fortune adossée à la plus grande misère jamais déployée.       

Dans leur expression archaïque, la civilisation, les sociétés n'étaient pas indemnes de misère, mais elles en recelaient infiniment moins que notre civilisation du XXIe siècle. La condition de cerf, de vassal, de sujet, avec l'ouvrage qui l'accompagnait, est infiniment plus digne que la condition de prolétaire, de clochard, d'assisté, avec la souffrance dont elle ressort. Par ailleurs, la condition d'esclave a explosé en quantité, sans ne rien changer en qualité.  

Prenons l'Afrique. C'était un continent régit par des lois ancestrales classiques, universelles, avec des esclaves sans doute, mais surtout des serviteurs des Mythes qui régissaient leur existence, et des souverains qui en descendaient d'un droit incontesté et éternel. Comme nous, en Europe, ils labouraient la terre et ouvrageaient leur monde dans la douleur de l'effort, mais dans la jouissance du sens. Mais la poudre et les molosses venus du Nord, mus par l'appât du gain sonnant et trébuchant, ont littéralement dévasté cette civilisation plus humble que la leur. Il n'y a plus eu, après leur passage, que des esclaves, des prolétaires, des indigènes. Et encore aujourd'hui, il y a plus que partout ailleurs, en Afrique et dans les îles peuplées de descendants d'esclaves africains, des esclaves, des prolétaires, des indigènes, ceux qui vivent dans un monde où leur vie, leur dignité n'a pas la même valeur que la nôtre, occidentaux ou autres riches.

Dans le sinistre tour d'horizon de la misère, vient vite l'Asie, où elle est sans doute plus active, mais tout aussi misérable, et sans doute aussi massive. Asie, esclave du monde. Et l'Amérique du Sud... Et que dire du monde occidental? La misère n'y est pas la même, elle est moins matérielle, plus existentielle, spirituelle, culturelle, mais tout aussi massive. Et toute cette misère, matérielle ou morale, nous lui voyons clairement une origine, la voracité, l'appétit dévorant de l'or. L'or de ceux qui veulent faire faire des économies aux Etats, lesquels pourtant, peuvent, seuls, lutter significativement contre la misère, urbi et orbi. L'or de ceux dont l'or est pris sur des terres infestées de misère. L'or que fabriquent ces matières premières si précieuses, non seulement ne soulage pas la misère au sein de laquelle elles sont extraites, mais l'entretient par sa voracité. Et l'or que génèrent les flux d'or ne soulage pas non plus la misère, bien au contraire. La spéculation, portée au stade de machine ultra complexe dont les algorythmes garantissent un profit mirobolant, à moins qu'ils n'engendrent les dépressions les plus violentes, est une machine à fabriquer de la misère à la chaîne, déchet surabondant de sa production d'or, fût-elle réussie ou gâchée.  

Non, le mal n'a pas reculé d'un pas. Je ne dis pas qu'il n'y a pas eu de coups portés au mal, je dis qu'ils ne l'ont pas fait reculer, et qu'au contraire, il n'a fait qu'avancer. Il y a les coups portés au mal de nature technologique. Le mal de nature biologique, par exemple, a effectivement considérablement reculé. Il y a les coups portés au mal de nature éthique et institutionnelle, mais ceux-là n'ont pas payé. Le citoyen n'a accompli aucune conquête de la dignité par rapport au vassal, au serf. Il a peut-être gagné en confort, et encore, le prolétaire du XIX et de la première moitié du XXe n'est pas de tout repos, mais le chômeur, le "défavorisé" du XXIe jouit toujours plus théoriquement de ses droits et de ses libertés, pendant qu'il souffre toujours plus concrètement de misère existentielle voire matérielle. Par ailleurs, la civilisation occidentale a bâti sa prospérité urbi sur la misère orbi, tout en maintenant la misère urbi à côté de la prospérité. 

Le mal n'a pas reculé, mais cela signifie-t-il qu'il ne reculera jamais? Nullement. Avant que la biologie moléculaire, à travers la médecine moderne, ne soit capable d'éradiquer les épidémies, ces dernières étaient aussi brutales qu'inéluctables, frappant à travers siècles avec la régularité de la faux. Avant que la biologie moléculaire ne soit en mesure d'identifier le mal et d'élaborer des stratégies pour le contrer, il avait toutes les apparences d'une fatalité, promis à l'éternité. En ce XXIe siècle, l'enjeu n'est plus biologique, il est noologique. C'est en comprenant mieux la sphère noologique que nous nous offrirons des stratégies significatives de combat contre le mal, aussi significatives, je le crois pour ma part, que furent les avancées sur le plan biologique. Cela me semble aller dans l'ordre des choses, dans le sens de l'évolution de la connaissance, la même évolution qui conduit de l'exploration du globe terrestre, à celle du Cosmos, l'évolution qui conduit du silex au microprocesseur, l'évolution du Système Homo post Sapiens, l'évolution de l'Oeuvre de Dieu.

Je l'ai dit, la question n'est pas tant, à mes yeux, de savoir si nous accomplirons ces progrès, enfin dignes de ce nom, en matière de lutte contre le mal, de culture du bien, mais dans quelles circonstances cela se produira. Si la probabilité pour l'espèce humaine de s'éteindre avant d'atteindre ce stade de son évolution, au rythme où nous massacrons nos ressources, est objectivement loin d'être négligeable, je suis porté à croire que l'heure n'a pas encore sonné. C'est le choix entre la Révolution et l'Apocalypse qui est en train de se faire, et vous avez bien compris pour quelle option je plaide.

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Commentaires
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  • Il fallait choisir une catégorie, j'ai opté pour "littérature et poésie", s'il y a avait eu "philosophie", j'aurai retenu ce choix, même s'il s'agit aussi bien de "politique". Ceci est un journal intime, une lettre ouverte au monde, finalement mon oeuvre
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